dimanche 8 février 2009

Le héros et les frileux

Alors qu'on nous promet une grosse dépression et un passage de vents violents sur notre beau pays, j'ai envie de revenir sur ce sublime Vendée-Globe qui n'est pas encore fini mais qui nous a déjà tant fait vibrer. Une nouvelle fois cette édition m'a bluffé : par le niveau technologique des bateaux, par l'engagement des coureurs, par le niveau de dramaturgie déclenché par cette course extrême où l'engagement individuel révèle une force mentale et une préparation peu communes.
Les terriens ne peuvent pas imaginer une seconde les dangers de la navigation dans les quarantièmes et cinquantièmes rugissant. Kersauzon disait que c'était comme s'aventurer sur la peau du diable. Christophe Auguin, ancien vainqueur du Vendée-Globe, confiait à son arrivée aux Sables d'Olonnes : "Je n'y retournerai plus. Naviguer dans le grand Sud, c'est comme monter dans une voiture en sachant que tu vas avoir un accident. Nous, c'est plusieurs accidents qu'on doit gérer pendant un mois de tempête continuelle..."
L'accident de Yann Eliès restera dans toutes les mémoires. On se demande comment -dans une mer sauvage- il a pu remonter à bord de son bateau après avoir été éjecté pendant une manoeuvre à l'avant. Comment il a pu regagner son cockpit en rampant avec un fémur broyé, comment il a pensé (au passage) à pousser la barre à contre pour mettre son voilier à la cape, comment il a pu combattre sa douleur dans l'attente des secours qui ont mis fin à son calvaire.
Chapeau, monsieur ! On en voudrait davantage de ces femmes et ces hommes qui vous réconcilient avec la plus belle part de notre humanité, celle qui va puiser dans le courage, la résistance à l'effort, l'adaptation aux conditions extrêmes pour survivre quand tout se dérègle autour de vous.
Malgrè cela quelques grincheux ont râlé. J'ai lu leur prose de pisses-froids dans quelques forums où ils déversaient leur médiocrité. Genre : "Après tout, ils prennent leurs responsabilités ces coureurs. C'est trop facile de partir en solitaire et d'appeler ensuite des secours quand tout va mal." J'ai dû me frotter les yeux pour savoir si les auteurs de ces posts étaient sérieux et quelle part de leur être intime était à ce point endommagée pour qu'ils soient conduits à produire de telles âneries. Je me suis souvenu du naufrage d'Isabelle Autissier dans la deuxième étape du Boc Challenge en décembre 1994. Elle avait attendu quatre jours dans son bateau à l'agonie avant d'être récupérée par un hélicoptère des Forces Royales Australiennes. Là aussi, il s'était trouvé un député australien pour demander que la France rembourse les frais engagés par son sauvetage ! Il a fallu lui rappeler que son pays disposait d'unités spécialement entraînées pour le sauvetage des marins en difficulté. Lui rappeler que ces unités s'entraînaient à longueur d'année et que tant qu'à faire, ce n'était pas plus mal si leur travail leur permettait pour une fois de sauver une vie humaine...
Et maintenant Yann Eliès (photo ci-dessus) sauvée par la même unité australienne. Merci messieurs de prendre soin de ces petit(e)s français(e)s qui vont jusqu'au bout de choix en mer et qui nous font rêver par procuration. Merci de considérer que le prix d'une vie humaine ne peut pas être réduit à une ligne budgétaire. Merci d'être ces Saint-Bernard des mers sans qui la longue liste des disparus en course serait considérablement allongée.
Et bon rétablissement à Yann Eliès. D'autres défis l'attendent, il saura y faire face.


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