samedi 14 mars 2009


Piégé dans une vague

Titre racoleur bien sûr ! Ce surfeur sortira indemne de la cavalcade sauvage entamée sur cette vague démoniaque. C'est un professionnel habitué à se faire rouler dans du gros bouillon. Il sait mesurer sa part de risque. Ce que 250.000 êtres humains n'ont pas pu faire le 26 décembre 2004, le jour où un tsunami monstrueux a ravagé les côtes de Thaïlande, du Sri-Lanka, de l'Inde mais surtout d'Indonésie.
Tout de suite après le passage de la vague, j'ai pris un vol pour Medan (capitale de Sumatra) accompagné par une équipe de tournage. Le temps de louer deux minibus, des chauffeurs et d'engager un fixeur, on prenait l'unique route pour atteindre Banda Aceh. Quinze heures de voyage entre volailles suicidaires, piétons flegmatiques, convois militaires, camions fous chargés des meubles des familles rescapées qui fuyaient cet enfer. Traversées hallucinées de villages ravagés où les survivants s'entassaient dans des tentes dressées à la hâte par les organisations humanitaires. On est arrivé en pleine nuit à Banda Aceh où aucun bâtiment n'avait résisté au tremblement de terre suivi du tsunami. Le fixeur a déniché une famille qui acceptait de nous louer deux pièces dans leur petite maison. On s'est endormi dans de mauvais lits, réveillés plusieurs fois par des répliques du séisme initial. Ce n'est que le lendemain matin qu'on est entré dans un long cauchemar.
Un magma de boue, de morceaux de bois, de ferrailles enchevêtrés. Des voitures comme mâchées et recrachées par la gueule d'un géant vorace. Des bateaux de pêche posés en plein centre ville, à plus de cinq kilomètres du rivage. Des bâtiments effondrés, leurs étages s'entassant comme un millefeuille dérisoire. Ici ou là des femmes ou des hommes fouillant dans les débris de ce qui avait été leur maison, à la recherche d'un proche disparu ou de papiers de famille. Et tout autour de nous, des cadavres. Les secours sont débordés. Des unités sillonnent la ville pour entasser les corps dans des bennes de camions. Images d'époque de lèpre...
Et puis il y a l'odeur. On m'avait parlé de cette odeur de mort : douce et entêtante, elle finit par s'insinuer partout. Les masques que nous portons n'y peuvent rien. Les survivants circulent dans la ville fantôme en se couvrant le nez de bout de tissus ou en remontant leur tee-shirt sur le bas du visage.
En bord de mer, c'est un cataclysme, comme si la ville avait été soufflée par une explosion atomique. La hauteur de la vague est estimée à 15 mètres par un spécialiste américain. Pas une seule habitation n'a résisté à sa puissance destructrice.
Ou plutôt si, une construction a résisté : une mosquée encore dressée au milieu de ce désastre. Etrange symbole...
Une semaine de reportage dans ces conditions extrêmes laisse des traces. D'autant que je considère l'Indonésie comme ma deuxième patrie. Et que je ne peux m'habituer à l'idée que ce pays soit régulièrement ravagé par des catastrophes naturelles.
La prochaine fois que j'y retourne, je m'installerai dans une île pas très loin de Lombock. Une île où les moteurs sont interdits et où on circule en calèche tirée par des petits chevaux. Là, je m'installerai au bord d'une plage qui attire les surfeurs. Un spot magique pour chevaucher des vagues accueillantes qui vous réconcilient avec la nature.

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