dimanche 22 février 2009

bling-bling en mer



Voilà, ça se passe comme ça en mer quand on ne respecte pas les règles de priorité...
Image incroyable de vacances heureuses qui se terminent en drame. Parce qu'on trouve sur l'eau quelques propriétaires de bateaux qui pensent que le plaisir de naviguer est définitivement lié au nombre de chevaux qui cavalent dans la cale. Une tendance à confondre la mer avec une autoroute sur laquelle nul panneau d'interdiction vient brider la vitesse. Les constructeurs de bateaux chers se frottent les mains. Jamais ils n'ont autant vendu d'unités de luxe. Puissance de moteurs monstrueuses et consommation qui va avec (250/300 litres de gas-oil à l'heure...), décorations sur mesure, délires architecturaux. Après les crash de Madoff et consorts, leur petite entreprise connaîtra-t-elle la crise ? La parade est déjà trouvée : voilà que les designers commencent à vouloir associer luxe et développement durable. Activez ce lien : http://www.30m-yachts.com/
Ce genre de site me rappelle l'initiative baroque de Paris Hilton qui a dépensé 4000 dollars en une heure shopping à Los Angeles pour, je cite : "contribuer au redémarrage de l'économie américaine..."
Allez, encore un effort, Paris, achètes-toi un bateau vert. Le luxe écologiquement correct, je parie que d'ici peu, toute la jet-set va s'y mettre.

mercredi 18 février 2009

Grand Nord

Brrrrrrrr.... Moins 40°, moins 50° ? Il arrive un moment où les chiffres n'ont plus d'importance. Parce qu'ils ne peuvent rendre la réalité d'une météo extrême où les humains n'ont (presque) plus leur place. C'est le territoire des ours blancs et des phoques, un paysage tourmenté de banquise compressée par des forces démoniaques. Partout autour de nous le vent se lit dans les formes qu'il imprime au paysage. On se croit sur la lune, sur une autre planète qui nous tolère le temps d'un passage, le temps d'un regard effrayé et séduit par tant de beauté...
Là je suis au Pôle Nord avec mon équipe de tournage. En avril 2007 on a rejoint Tara pour quelques jours pendant sa longue dérive arctique. Le DC3 qui nous a déposé est parti du Spitzberg. Cinq heures de vol dans un avion spécialement équipé pour se poser sur la banquise. A condition qu'elle ne cède pas sous le poids ou qu'une cassure soudaine n'empêche tout atterrissage. On prend nos marques, on apprend les codes qui prévalent dans ces météo extrêmes. Un quart d'heure pour s'habiller, enfiler les vêtements en goretex, les trois paires de chaussettes, les deux couches de gants, les cagoules protectrices. C'est tout juste suffisant. Dès qu'on s'éloigne de plus de 200 mètres de Tara, le fusil est obligatoire en cas de rencontre avec un ours blanc. Pas pour le tuer, évidemment, mais pour lui faire peur en tirant en l'air si l'un de ces magnifiques animaux survenait, poussé par sa curiosité. Pas de couchettes pour nous dans le bateau. Toutes sont occupées par les membres de l'équipage et les scientifiques venus étudier le réchauffement de la banquise. Les logisticiens russes ont monté pour nous une sorte de tente où ils ont installé un poêle à gaz. On est contents : cela nous permet de dormir dans une température de zéro degré. On s'accommode.
Cosy, non ? Une journaliste de Géo, Michèle Aulagnon, nous accompagne et partage notre quotidien. Elle dort comme nous sur l'un des lits de camp qu'on a alignés côte à côte. Une angoisse la taraude : et si le poêle se renversait pendant la nuit et mettait le feu à notre logis ? On a toutes les peines du monde à lui expliquer que si nous devions mourir dans un incendie sur la banquise, cet évènement mériterait d'être inscrit dans le Guiness des records...
Notre tente n'a pas brûlé, mais une cassure de la banquise en plein milieu de la piste d'atterrissage a surgi quelques heures après notre départ. Notre DC3 nous emmenait déjà vers des météo plus clémentes. Le Pôle nord avait accepté de nous libérer et nous lui en étions reconnaissants. J'achevais là le dernier sujet de ma vie de grand reporter, pour des raisons que j'expliquerai sans doute un jour.


dimanche 8 février 2009

Le héros et les frileux

Alors qu'on nous promet une grosse dépression et un passage de vents violents sur notre beau pays, j'ai envie de revenir sur ce sublime Vendée-Globe qui n'est pas encore fini mais qui nous a déjà tant fait vibrer. Une nouvelle fois cette édition m'a bluffé : par le niveau technologique des bateaux, par l'engagement des coureurs, par le niveau de dramaturgie déclenché par cette course extrême où l'engagement individuel révèle une force mentale et une préparation peu communes.
Les terriens ne peuvent pas imaginer une seconde les dangers de la navigation dans les quarantièmes et cinquantièmes rugissant. Kersauzon disait que c'était comme s'aventurer sur la peau du diable. Christophe Auguin, ancien vainqueur du Vendée-Globe, confiait à son arrivée aux Sables d'Olonnes : "Je n'y retournerai plus. Naviguer dans le grand Sud, c'est comme monter dans une voiture en sachant que tu vas avoir un accident. Nous, c'est plusieurs accidents qu'on doit gérer pendant un mois de tempête continuelle..."
L'accident de Yann Eliès restera dans toutes les mémoires. On se demande comment -dans une mer sauvage- il a pu remonter à bord de son bateau après avoir été éjecté pendant une manoeuvre à l'avant. Comment il a pu regagner son cockpit en rampant avec un fémur broyé, comment il a pensé (au passage) à pousser la barre à contre pour mettre son voilier à la cape, comment il a pu combattre sa douleur dans l'attente des secours qui ont mis fin à son calvaire.
Chapeau, monsieur ! On en voudrait davantage de ces femmes et ces hommes qui vous réconcilient avec la plus belle part de notre humanité, celle qui va puiser dans le courage, la résistance à l'effort, l'adaptation aux conditions extrêmes pour survivre quand tout se dérègle autour de vous.
Malgrè cela quelques grincheux ont râlé. J'ai lu leur prose de pisses-froids dans quelques forums où ils déversaient leur médiocrité. Genre : "Après tout, ils prennent leurs responsabilités ces coureurs. C'est trop facile de partir en solitaire et d'appeler ensuite des secours quand tout va mal." J'ai dû me frotter les yeux pour savoir si les auteurs de ces posts étaient sérieux et quelle part de leur être intime était à ce point endommagée pour qu'ils soient conduits à produire de telles âneries. Je me suis souvenu du naufrage d'Isabelle Autissier dans la deuxième étape du Boc Challenge en décembre 1994. Elle avait attendu quatre jours dans son bateau à l'agonie avant d'être récupérée par un hélicoptère des Forces Royales Australiennes. Là aussi, il s'était trouvé un député australien pour demander que la France rembourse les frais engagés par son sauvetage ! Il a fallu lui rappeler que son pays disposait d'unités spécialement entraînées pour le sauvetage des marins en difficulté. Lui rappeler que ces unités s'entraînaient à longueur d'année et que tant qu'à faire, ce n'était pas plus mal si leur travail leur permettait pour une fois de sauver une vie humaine...
Et maintenant Yann Eliès (photo ci-dessus) sauvée par la même unité australienne. Merci messieurs de prendre soin de ces petit(e)s français(e)s qui vont jusqu'au bout de choix en mer et qui nous font rêver par procuration. Merci de considérer que le prix d'une vie humaine ne peut pas être réduit à une ligne budgétaire. Merci d'être ces Saint-Bernard des mers sans qui la longue liste des disparus en course serait considérablement allongée.
Et bon rétablissement à Yann Eliès. D'autres défis l'attendent, il saura y faire face.


vendredi 6 février 2009

Furie de temps


On a du mal à imaginer que des hommes puissent choisir un métier qui vous conduit inéluctablement à affronter ce genre de gros temps. Le plus amariné des hommes de mer vous le dira : il y a des météos qui vous ramènent à votre juste dimension, celle d'un insecte piégé dans une immense toile d'araignée. Une tempête pareille essorerait le plus entraîné des sportifs. J'ai pourtant connu des marins pêcheurs qui travaillaient sur le pont arrière et remontaient le chalut dans des mers aussi démontées, la clope au bec et les mains en sang. A bord de l'Abeille Bourbon, j'ai rencontré un cuisinier qui avait passé la majorité de sa vie dans la grande pêche. Il devait préparer des repas trois fois par jour pour des équipages de vingt ou trente gaillards pendant des campagnes de deux mois où le vent soufflait en permanence à Force 9/10. Et il m'avouait : "C'était parfois un peu fatigant, mais bon, on s'habitue à tout..."

On peut s'habituer à ça ???

jeudi 5 février 2009


Je relis cet avant-propos tiré de mon premier livre -Carnets de soute- où je racontais la face cachée de mes reportages, où je décrivais ce qu'on ne montre jamais dans le montage final d'un sujet. Sans doute parce que ce qui se déroule pendant un tournage est trop intime pour être mis en image.
Extrait : "C'est toujours un privilège de rencontrer des hommes et des femmes qui ont choisi la mer pour lieu de travail, qui montent sur un bateau comme d'autres vont à leur bureau. Pas seulement ceux qui font la grande Histoire, mais aussi, mais surtout les sans-grade qui constituent le plus grand nombre. Aux quatre coins de ma planète bleue voici Moussa le Sénégalais, Raul le Chilien, Gita l'Indienne du Gujarat, Norman l'Américain, Arie l'Indonésien, Louise la Française. La mer est leur mère. Ils sont les acteurs ordinaires d'une vie qu'ils n'ont pas nécessairement choisie. Mais lorsqu'ils acceptent d'en livrer quelques bribes au reporter curieux, c'est un cadeau inestimable. Souvent, en voulant transmettre ces histoires de marins salés ou de pêcheurs extrêmes, je me sens prédateur. Comme une araignée tisse sa toile avant de dévorer sa proie, me voilà vampire de la vie de mes contemporains. Avec un alibi en béton armé : le reportage. Et une obligation professionnelle : pas question de revenir la besace vide... Jour après jour, le stylo, le micro et la caméra doivent s'alimenter de sève humaine, dans une sorte de frénésie canibale."

mercredi 4 février 2009

D'accord, c'est beau la mer et parfois c'est encore plus beau une tempête. Mais à condition de la contempler tranquillement assis devant son ordinateur. Parce que là... Même à la Foire du Trône ils n'ont jamais osé inventer un manège qui donne des sensations pareilles...